Les six chapeaux de Bono
La créativité implique de briser les conventions afin de regarder les choses sous un jour nouveau (Edward de Bono)
Vos réunions sont souvent houleuses et sans fin ? Il vous arrive de vous retrouver bloqué face à un problème ? Les méthodes de pensée traditionnelles sont généralement tributaires de l’argumentation et de la critique, ce qui les rend souvent conflictuelles et interminables.
La technique des 6 chapeaux de Bono s’avère très utile pour faciliter la prise de décision au sein d’un groupe, structurer la résolution de problème ou stimuler la créativité pour trouver des solutions innovantes. Elle permet en outre d’éviter la censure des idées nouvelles, dérangeantes, inhabituelles. Cette méthode est plus efficace et constructive que l’argumentation classique considérée comme agressive, individualiste et peu constructive. Ludique et fructueuse, elle peut s’utiliser à des fins personnelles ou professionnelles, au sein de groupes de brainstorming ou individuellement.
Les six chapeaux de Bono, qu’est-ce-ce que c’est ?
A l’origine de cette méthode, Edward de Bono (né le 19 mai 1933), un psychologue maltais spécialiste des sciences cognitives. Il a développé cet outil vers le milieu des années 80 suite au constat suivant : « Nous tentons toujours d’en faire trop à la fois, et lorsque nous réfléchissons, nous avons tendance à laisser venir naturellement nos pensées dans l’ordre où elles nous apparaissent. Notre flux de pensées prend alors le dessus sur notre bon sens et nous mélangeons tout : émotion, information, logique, critique. Résultat : nous sommes dans le flou, et notre pensée n’est ni construite, ni constructive. »
En d’autres termes, lorsque nous réfléchissons nous recevons et accumulons une grande quantité d’idées sur un temps court et dans la confusion. Un tri s’opère alors très rapidement et automatiquement, en fonction de nos filtres et de nos croyances. Nous éliminons ainsi des idées potentiellement pertinentes juste parce qu’elles déstabilisent notre façon de penser.
Selon Edward de Bono, le secret réside dans la pensée parallèle (ou « pensée latérale » – « lateral thinking »). En séquençant notre mode de pensée nous arrivons à nous concentrer sur une seule chose à la fois tout en évitant la censure systématique qui conduit généralement à éliminer d’emblée les idées « en décalage ». L’idée est de ne pas se positionner dans l’opposition mais dans la complémentarité. Une question sera abordée non pas à partir d’une vision subjective et personnelle, mais ensemble et successivement, sous tous les angles possibles de la réflexion.
Fonctionnement de la méthode des six chapeaux
De Bono propose de diviser la recherche de solutions en 6 phases bien distinctes, chacune représentée par un chapeau de couleur qui symbolise un mode de pensée donné :
- les faits, la neutralité (chapeau blanc)
- les émotions et les intuitions (chapeau rouge)
- les risques et la critique (chapeau noir)
- les avantages et le positivisme (chapeau jaune)
- la créativité (chapeau vert)
- la prise de recul et l’organisation (chapeau bleu)
Il s’agit de porter virtuellement (ou non) six chapeaux avant de prendre toute décision. La réunion se déroule alors en adoptant tour à tour les chapeaux pertinents sachant que les participants ne portent qu’un chapeau à la fois, en endossant bien évidemment la façon de penser qui correspond au chapeau porté. Une séquence d’utilisation des chapeaux est déterminée à l’avance selon le problème à traiter (ex : on pense en chapeau blanc d’abord, ensuite en rouge, puis en noir, etc).
L’efficacité maximum des six chapeaux est obtenue lorsqu’ils sont tous utilisés alternativement : le chapeau bleu orchestre la discussion, planifie et régit l’ordre de passage des différents chapeaux en synthétisant les conclusions. Il vaut mieux commencer par l’expression des réactions affectives et émotionnelles (chapeau rouge), toujours très prégnantes pour ensuite rassembler les éléments d’information objectifs (chapeau blanc), puis faire émerger en brainstorming toutes les idées possibles de solutions, même les plus surréalistes et farfelues (chapeau vert), pour en retenir ensuite les propositions pragmatiques réalisables et en sélectionner les plus adéquates (chapeau jaune, puis noir), en vérifiant le degré d’adhésion des participants (retour au chapeau rouge).
Un chapeau, un rôle, un mode de pensée
Chapeau blanc – Faits et réalité
« Les faits sont les suivants… »
Le blanc est neutre. Ce chapeau rapporte des informations sans argumentation basées sur les faits, les chiffres et l’information. Nécessitant un effort d’impartialité et d’objectivité, il est souvent utilisé en début de réunion pour établir les faits ou en cours de réunion pour recentrer les débats sur les faits. Profitez du chapeau blanc pour définir les informations qu’il vous manque.
Chapeau rouge – Émotions, sentiments et intuitions
« Voici mon sentiment sur la question… »
L’utilisation du chapeau rouge permet l’expression des sentiments, des intuitions, des émotions pressenties et/ou ressenties. Les sentiments sont variables, complexes, parfois confus, contradictoires ou incohérents. Ils ne nécessitent pas de justification. Ces ingrédients moins rationnels n’en sont pas inutiles pour autant, car ils permettent d’enrichir la recherche de solutions.
Chapeau jaune – Critique positive, bénéfices, valeur, avantages de l’idée
« je juge de façon optimiste que… »
Le chapeau jaune propose une vision positive. Il fait appel à une approche logique exploratrice et constructive qui pousse à l’action par la détermination des résultats positifs recherchés. Il laisse entrevoir les aspects bénéfiques qui pourraient être masqués par des apparences trompeuses.
Chapeau vert – Créativité, fertilité des idées
« J’imagine… »
A cette étape, on cherchera à trouver de nouvelles idées, explorer d’autres pistes, découvrir des possibilités, énoncer des propositions, des suggestions, des idées, des alternatives, des provocations. La logique et la critique sont absentes ici, car une idée qui peut sembler banale, idiote ou provocante peut en faire naître une autre intéressante.
Chapeau bleu – Organisation du processus de réflexion
« je donne la parole à… »
Le chapeau bleu est celui de l’organisation, il a pour vocation de définir et de gérer l’ordre du jour de la réunion, de réguler la prise de parole et le déroulement de la réunion et enfin de récapituler les réflexions nécessaires pour faire avancer le sujet de réflexion. Ce chapeau ne se préoccupe pas d’approfondir le sujet de la réunion, mais du « comment » bien faire fonctionner le processus de réunion. Le chapeau bleu peut également être utilisé pour la conclusion : « où sommes-nous arrivés ? », « quels sont les points principaux qui ont été exposés ? », « sommes-nous tous d’accord avec cette conclusion ? ».
Chapeau noir – Prudence, risques, dangers, inconvénients et difficultés
« Oui mais… »
Le noir est la couleur du jugement. Elle correspond à une logique négative de mise en garde en soulevant les risques et faiblesses de l’idée. On cherchera toutes les raisons pour lesquelles quelque chose ne pourrait pas fonctionner correctement, pourrait être illégal ou faux, pourquoi une chose ne vaut pas la peine d’être réalisée.
Cas d’utilisation
Dans le cadre d’une utilisation en groupe, deux modes de fonctionnement sont envisageables.
Le premier cas de figure invite l’ensemble des participants à adopter tour à tour une première couleur de chapeau (même couleur pour tous les participants), puis une seconde, etc. Ce mode de fonctionnement permet de structurer la réflexion de groupe et d’aligner l’ensemble des participants sur un même mode de pensée tout en parcourant les 6 angles de vue. Dans ce cas, la séquence d’utilisation des chapeaux est déterminée à l’avance par l’animateur selon le problème à traiter.
Une autre façon de procéder est de laisser la discussion avancer de façon plus naturelle, mais en demandant à chaque participant de porter la couleur du chapeau correspondant au mode de pensée utilisé au moment où il prend la parole afin que celui-ci soit clairement identifié par les autres participants. Ce mode de fonctionnement nous invite à repérer notre chapeau habituel et à faire l’effort d’endosser les autres modes de pensée. Cela nous pousse à dépasser le rôle dans lequel nous avons tendance à nous enfermer habituellement.
Déroulement d’un atelier utilisant la technique des 6 chapeaux
Dans le tableau ci-dessous, je vous propose un agenda pour le déroulé d’un atelier de 2 heures.
Exemple de plan de séquençage pour l’étape #4 :
1. Une fois les questions définies, tous les participants mettent le chapeau blanc afin de cerner les faits, les chiffres et les recherches ayant trait au sujet. Le meilleur moyen est d’afficher toutes les suggestions bien visiblement sur un tableau de conférence (flipchart).
2. Une fois tous les faits réunis, chaque participant a le droit de donner son avis personnel avec le chapeau rouge, sans être obligé de se justifier ou d’être objectif.
3. Dès que les avis personnels sont affichés, le groupe met le chapeau noir pour évoquer tous les dangers et risques que le projet ou des questions pourraient provoquer.
4. Avec le chapeau jaune, tout le monde, même celui qui n’est pas d’accord avec une idée, doit s’efforcer d’y voir les avantages.
5. Dès que tous les faits neutres, négatifs et positifs ainsi que les avis personnels des participants sont collectés, le groupe met le chapeau vert et pose des questions du type : Existe-il une autre approche ? d’autres idées ? une autre manière d’aborder la question ?
6. Avec le chapeau bleu, les premiers résultats sont regroupés, puis on décide de la nécessité de mettre encore une fois l’un des six chapeaux avant de procéder à la prise de décision.
Autre exemple possible de stratégie pour conduire une séance (chapeau bleu) :
1. Chapeau vert : brainstorming, moisson d’idées et désignation d’un gestionnaire de ce pot de suggestions.
2. Chapeau jaune : développement constructif, opérationnel, évaluation positive de ces propositions, recherche de profits et de valeurs.
3. Chapeau noir : évaluation négative de ces propositions.
4. Chapeau blanc : données nécessaires. Peut toujours être interpellé.
5. Chapeau rouge : soumettre en fin de parcours l’idée à un jugement émotionnel affectif (l’enthousiasme conditionne les chances de succès).
Pour la bonne réussite de l’atelier, je vous conseille de bien expliquer dès le début le rôle de chaque chapeau en s’assurant que les participants ont bien compris les règles du jeu. N’hésitez pas à rappeler leur posture aux participants en cours d’atelier en cas d’oubli et illustrer par des exemples.
Les limites de la méthode des 6 chapeaux
Bien qu’elle paraisse particulièrement intéressante et génératrice d’idées, la méthode des 6 chapeaux d’Edward De Bono connait toutefois certaines limites. La principale difficulté pour les participants est de se souvenir du mode de pensée qui lui est assigné. Le fonctionnement du cerveau étant extrêmement complexe, il n’est pas facile pour une personne de limiter et concentrer la portée de ses réflexions sur un seul aspect de la situation, d’où le rôle important de l’animateur dans la facilitation de ce type d’atelier.
La méthode des 6 chapeaux figure jusqu’à maintenant parmi les techniques de réflexion les plus efficaces et les plus utilisées dans le monde de l’entreprise. Alors, si un jour vous êtes amené à réfléchir sur un problème ou une situation quelconque, n’hésitez pas à l’appréhender sous différents angles !
merci de vulgariser et partager ainsi votre savoir… C’est à titre personnel que je vous lis. Vos connaissances me permettent d’en apprendre d’avantage et de chasser certains défauts.